dimanche 19 janvier 2014

Les critiques du Goéland Masqué : "Bird"


Marc Villard

Marc Villard au 13e Festival du Goéland Masqué

Marc Villard est qualifié par Jean-Bernard Pouy de « meilleur écrivain comportementaliste français ». Ce virtuose de la nouvelle et de la novella, également poète dans sa jeunesse, évoque dans une prose ramassée le destin des laissés pour compte de Memphis à Barbès. Des obsessions et un style, voilà ce qui fait un auteur. Les thèmes récurrents chez Marc Villard sont ceux de la quête du père, de la mauvaise rencontre et de la perte, - ce qui n’empêche pas quelquefois un détour par le football. Rock et jazz sont des domaines que Marc Villard connaît bien, et cela s’entend dans son écriture « à l’oreille ».




Son court roman « Bird », 100 pages, Ed Joëlle Losfeld 2008, s’ouvre sur quelques vers de Francis Giauque :

« nos voix se sont tues
le silence la boue les murailles du désespoir
partons
il est temps de respirer l’odeur de la nuit
et de s’y enfoncer à jamais ».

Ce poète suisse, qui se suicida en 1965 à l’âge de 31 ans, écrivait la douleur d’exister, l’effondrement et la mort psychiques ; 1958 fut « la date de ma mort, pas la vraie, l’autre, qui est pire ».
Le ton est donné.

Cécile, 25 ans, part en maraude de Saint-Michel avec le SAMU social et, avec elle, le lecteur rencontre vieux et jeunes à la dérive.

« Traînées rouges sur le bitume.
Jazz de nuit.
Des ombres et, parfois, la mort, la mort. »

Cécile a connu l’héroïne et le trottoir. Elle recherche son père, ancien saxophoniste professionnel, surnommé Bird par un ami- il s’est laissé faire. Bird, qu’elle a cru mort, gagne quelques euros en soufflant dans le métro.

« (…) première Marlboro du matin.
La nuit est innombrable.
Gosses dans la brume.
Taxis invisibles, paumés du matin glacial.
Encore une nuit sur ces lieux de douleur ».

En quelques lignes la description peu bavarde donne à voir les protagonistes et leurs déplacements avec, au passage, des pépites, telles : « le monde s’anamorphose », « l’attente murmure ». De brefs passages poétiques offrent au lecteur une respiration, le temps d’une demi-pause.

Les références musicales abondent : lors de ses maraudes, Cécile écoute Kemi Futi, Gnarls Barkley ; Bird, lui, vit avec Art Pepper, Charlie Parker, Archie Shepp, Lester Young, Clifford Brown, Duke Ellington, Django Reinhardt, John Coltrane, Wardell Gray.

Les retrouvailles sans pathos du père et de la fille croisent le destin d’un couple de SDF, ami de Bird, ayant trouvé l’abri précaire d’une tente aux abords du périph’ : cinq ados défoncés s’offrent à leurs dépens un snuff movie. On côtoie un candidat à la mairie du Xème peu scrupuleux, un flic ignoble, avec un détour par Barbés :

« L’air est vif.
Les fourrures synthétiques paradent.
Du cul à deux balles.
Le sexe parade. »

Pas de happy end pour Bird mais, pour Cécile, un nouveau départ.


Notes de lecture,
Le 7 janvier 2014,
Marie Pen’Du.


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