lundi 20 janvier 2014

Les critiques du Goéland Masqué : "Calibre 16 mm"

 

 Jean-Bernard Pouy

 


Calibre 16 mm, Ed In8 2013,

collection Polaroïd dirigée par Marc Villard

 

 

L’incipit s’ouvre par : « Une gueule de notaire, va décrire, tiens, bon courage.
Généralement, ça sent le moisi »
Mais ça ne sent pas le moisi dans cette novella jubilatoire de JB Pouy. dont la tournure n’est pas balzacienne, bien évidemment. De quel détournement d’incipit s’agit-il alors cette fois ?
L’auteur a l’art de vous faire croire qu’il écrit comme il parle, mêlant de façon réjouissante les styles.
On lit J-B Pouy avec le sourire. Pour un peu, il serait là devant vous : une moue, voire une grimace, la main dérange la tignasse, l’œil s’arrondit derrière les lunettes puis, après une inspiration, regard et sourire pétillent. J-B Pouy vous parle.

Héros pascalien, Vincent Cortal (sûrement d’origine catalane) était, sans divertissement, un homme plein de misères.
Prof retraité, veuf, fâché avec son Gigi de fils entraîneur de foot, il faisait le mort. L’héritage improbable de 86 bobines de films expérimentaux des années 70, en16 mm of course, le réveille. « J’allais revivre un pan de ma jeunesse. Récupérer des souvenirs. Peut-être un peu de joie, de désir. J’avais enfin quelque chose de sérieux à faire. Récupérer les joies idiotes de mon passé. Ma vie redevenait légèrement trépidante ».
« (…) J’y allais au hasard, redécouvrant peu à peu des films qui m’avaient fait peut-être fait vibrer, trente ans avant. On a les madeleines qu’on peut.»

Différentes péripéties vont plonger « Monsieur Vincent » (allusion en passant au film de Maurice Cloche ?) dans « Un vrai film américain d’antan. Vieillot » car rien moins que les services secrets des USA veulent récupérer deux bobines compromettantes pour des pontes au pouvoir.
A sa suite, le lecteur vit ou revit le cinéma expérimental des années 70, les projections au Centre Américain. « Ça y est, le virus avait refait son apparition. C’était sans doute, à l’époque, une posture, mais, pour nous, le seul cinéma, c’était celui-là. Un cinéma définitivement éloigné du roman et de la littérature et se rapprochant drastiquement de la poésie et de l’Art. Le Septième. Pas de raison. Un plaisir visuel total. Et nous étions prêts à tout gober. Du conceptuel à l’abstrait. En plus, c’étaient les seuls endroits où l’on pouvait mater des filles et des hommes à poil. Et entendre du rock and roll de l’ombre ou bien de la musique progressive. »

A défaut de vous faire une toile, vous aurez peut-être envie d’aller faire un tour sur l’autre, de toile, et vérifier si J-B Pouy n’a rien inventé. Voici la liste des réalisateurs et œuvres cités
(bien sûr, les citations renvoient, là aussi, à J-B Pouy)

Piero Heliczer

Gérard Malanga April Diary 2, Blue Funk at the Café Wha et April Diary 3, Blank Society
« C’étaient, en gros, des joutes poétiques entre plusieurs personnes de la « scène » d’alors qui déclamaient, se caressaient et se suçaient en même temps. (…) Le tout sur un toit de gratte-ciel à New York. » « Dans la bande de joyeux drilles qui s’ébattaient « poétiquement », il y avait des mecs, à l’époque insouciants, mais qui, plus tard, n’aimeraient peut-être pas qu’on les reconnaisse et qu’on les voit en position assez peu avantageuse ».

Andy Warhol : The couch, Empire 

David Rimmer : Variations on a cellophane wraper  

Jack Smith : Flaming Creatures

Les frères Kuchar

Maya Deren

Lagrange et Arrietta : leurs fantasmes en noir et blanc, « pleins de jeunes femmes diaphanes »

Tony Conrad : The Flicker « film stroboscopique ayant la réputation de rendre le spectateur épileptique, carrément fou et, en tout cas, aveugle. »

Michael Snow : Back and Forth « une suite ultrarapide, un balayage effréné, un panoramique hystérique, droite, gauche, à tel point qu’on ne voyait rien qu’une horizontalité de lignes. Mais au bout d’un quart d’heure, le spectateur se rendait compte que ça ralentissait et que, peut-être, il allait enfin voir ce que ça filmait. Effectivement, quand la caméra est devenue fixe, on a vu. Et ça n’avait aucun intérêt. Une vague salle de classe avec deux personnages en train de lire des bouquins. Ça ne faisait rien, il y avait un truc à regarder et on sentait dans la salle, un soulagement, une joie infinie de n’être plus baladé. Dix minutes après ce break, la caméra est repartie à gauche, prenant un peu de vitesse en revenant vers la droite. Stupeur désespérée dans la salle. Et un type a pété les plombs (…) une lance d’incendie à la main, criant : « Arrêtez ! Arrêtez ! Ou j’envoie la sauce ! »

Long John Silver Treasure Island 

Giovanni Martedi : Film trouvé dans une poubelle tartiné de détritus avant chaque projection, Film sans projecteur, et Film sans caméra qui sont ce que leur nom indique, le dernier à durée variable en fonction du temps que la réalisateur passait au bistrot après avoir fait démarrer le projo.

Kenneth Anger

Bruce Conner

Paul Sharitz

James Whitney Lapis « joyau d’une dizaine de minutes (…) JW avait mis un temps infini pour exciter chimiquement des centaines de points, de sels minéraux, sur chaque photogramme vierge, vingt-quatre par seconde, donc il faut imaginer les heures et les jours, les mois et les années passées pour organiser un magma et un chaos pointilliste en, petit à petit, un magnifique mandala. »

Adolfo Arrieta : El Crimen de la Purindola « plein d’anges et de chaos original »

Markopoulos The Illiac Passion

Taylor Mead

Christian Boltanski L’Homme qui Tousse


Notes de lecture
Marie Pen’Du
Le 19 janvier 2014

 

 

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