vendredi 29 mars 2013

Les critiques du Goéland Masqué : " On the Brinks"

L'auteur, Sam Millar, sera présent au 13e Festival du Goéland Masqué.


Tiocfaidh ár lá

(Notre jour viendra)

 

Sam Millar, sa vie, son œuvre, ici sa vie, surtout d'enfant pauvre de Belfast à la consécration littéraire, avec le statut d'un des auteurs les plus controversés d'Irlande. 

Une enfance pas des plus réjouissantes, entre une mère que la solitude ronge et qui noie son désespoir dans l'alcool, un père marin au commerce peu présent. Et déjà la discrimination et le communautarisme dans la famille avec une branche protestante.

Quelques petits boulots dont celui aux abattoirs (voir Redemption Factory), la mort à 17 ans de son ami, Jim Kerr, abattu par un loyaliste, puis la condamnation, aussi à l'âge de 17 ans à trois ans de prison pour "Appartenance à un groupe illégal"! Commence alors un séjour à la prison de Long Kesh dans les "H Blocks" de sinistre réputation.

L'état anglais veut imposer aux membres de l'IRA emprisonnés le port de l’uniforme des prisonniers de droit commun, alors qu'ils sont des prisonniers politiques. Commence alors pour Sam et beaucoup d'autres ce qu'ils nomment "La Rébellion", la grève de l'hygiène, le mouvement des "Blanket Men", puis les grèves de la faim qui entraîneront la mort de Bobby Sands et de neuf autres républicains irlandais.

On a de la peine à se dire que cet épisode de l'histoire se soit passé à même pas deux heures d'avion de Paris, dans un pays qui se veut un modèle de démocratie et chose encore plus choquante dans une espèce d'indifférence de l'Europe. Pragmatisme politique oblige!

Car le bras de fer entre l'administration britannique et les prisonniers républicains fut long et douloureux pour ces derniers. Ce que Sam explique parfaitement dans ces quelques lignes :
 
- J'étais loin de me douter qu'aucun d'entre nous ne rentrerait vraiment chez lui. Nous avions été cuits dans une fournaise. Nous avions changé. Complètement et pour toujours. Nous ne serions plus jamais les mêmes. Dans nos têtes, nous étions foutus pour toujours. 

Est-il possible après avoir vécu cet enfer pendant huit ans de se reconstruire? Direction New-York pour tenter de sauver ce qui est encore sauvable dans la vie d'un homme! Une fausse identité pour oublier? Un début de séjour calme, travail dans un casino, beaucoup d'argent brassé, un ami qui bien entendu vous veut du bien! Un casse presque parfait, trop énorme pour que les victimes oublient ; la prime offerte atteint des sommes faramineuses, et la police est sur les dents.

Et donc retour à la case prison.....et une amère constatation, l'argent est la seule chose capable de corrompre tout ce qu'il touche!

Sam, bien sûr, est le narrateur et personnage principal de ce récit, que dire si ce n'est qu'admirer la force de caractère et la volonté farouche de ne pas céder malgré les coups et les humiliations. Jusqu'où un homme peut-il aller pour défendre ses idées et un attachement exacerbé à son pays ? Très loin semble-t-il! Jusqu'à écrire plusieurs centaines de lettres au pape pour défendre la cause des prisonniers politiques d'Irlande du Nord!

Des personnages connus, une certaine "Dame de fer", fer blanc, c'est facile d'être dure pour ne pas dire inhumaine dans un bureau, entourée de gardes du corps...mais l'échéance est proche enfin! Des hommes politiques ou des ecclésiastiques, peu sont décrits sous un jour sympathique, même les leaders du Seinn Fein, et cela est relativement surprenant! Quant à l'église catholique, ses prises de positions contre les membres de l'IRA et sa mansuétude envers le pouvoir en place ne trouvent guère de crédit parmi les détenus réclamant le statut de prisonniers politiques.

Un grand merci, Sam et toute la famille te donne rendez-vous bientôt, à toi et à Bernie à Penmarc'h pour le festival du Goéland masqué. Je salue également Patrick Raynal et Madame que nous reverrons avec plaisir à Penmarc'h




Une critique
d'Yvon Bouëtté




"On the brinks" (extraits) :


- Nous étions le 30 janvier 1972, et personne n'imaginait le terrible cauchemar qui nous attendait. C'est devenu le moment phare de ma vie, un baptême du feu dans le monde réel d'un nationalisme en Irlande du Nord.

- Merde, nous étions meilleurs que les Spartiates. Nous étions les Blanket Men.

- La voix perçante de Thatcher crissait comme des ongles sur un tableau noir.

- L'église catholique, par le biais de ses prêtres les plus serviles, nous informa que : « Personne ne votera pour Bobby Sands». C'était tout à fait réconfortant de savoir que le gouvernement britannique et l'église catholique chiaient dans les mêmes pantalons.

- Pour quelqu'un habitué aux rues de Belfast, celles de New York étaient peu ou pas du tout impressionnantes.

- La brume se dégageant du sac soulevait l'estomac de la plupart des passants. Pas moins. J'avais subi bien pire. La Blanket Protest. L'abattoir.

- Trois ans de préparation et c'était bouclé en trois minutes. Pour une obscure raison, c'est moi qui me sentait volé.

- On pourrait mettre ma passion - ma dépendance - pour les comics américains directement sur le compte de mon père.

- Tous ces Feds semblaient avoir des noms à consonance irlandaise, avec de gros O' accrochés entre eux.

- Ce furent les mauvais jours de la Diesel Thérapy, une période d'essai pour ce qui allait venir.



Éditions : Seuil (2013) Titre original : On the Brinks, the extended edition.(2009).

1 commentaire :

  1. Je suis en train de lire "On the Brinks", et effectivement, c'est bien plus qu'une autobiographie, une vraie leçon d'histoire. Et quel style !

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